Carnets de guerre

Pas de bombes = pas de famille = pas de moi.

C’est une lettre à sa mère décédée, sous la forme d’une longue méditation sur l’identité, son absence, ou peut-être plus encore, ses zones d’ombres, ses béances. Dans cette lettre, Ocean Vuong retrace son enfance, jusqu’à l’orée de son age adulte.

Enfant de la guerre du Viet-Nam, il émigre avec sa mère encore enfant et fait face à sa différence, ses différences ; Asiatique dans une petite ville du Connecticut, homosexuel, il semble glisser dans une sorte d’ether identitaire, américain, mais pas vraiment, asiatique, mais pas vraiment, sans réelle racines (son grand père n’est vraiment son grand père), qui le laisse un peu flottant, sans réelles attaches.

Il trouvera ses racines dans la langue, l’apprentissage de l’anglais, de la poésie et la découverte de l’amour, du désir, de son homosexualité à travers sa relation assez improbable avec Trevor, portrait assez typique du redneck. Pour autant, cette relation sera aussi celle d’une forme de violence, Trevor est victime de son addiction aux opiacés ; comme l’amour qui le lie à sa mère, et sa grand mère est plongée dans la violence et les horreurs de la guerre du VietNam.

C’est peut-être un fil conducteur de sa (encore courte, il est très jeune) existence, l’amour prend ses racines dans la violence ,en tout cas, les deux sont indissociables.

Déroutant par son côté déstructuré, et aussi très poétique, il dresse de très beaux et tragique portraits de femmes qui se sont battues pour survivre, donner une vie plus facile, plus paisible ; laissant peut-être par contraste les digressions et les questions identitaires un peu flottantes : peut-être est-ce le signe que l’absence de mémoire, ou une mémoire parcellaire, se trouve devoir être comblé par cette sorte de quête identitaire ?

Babi Yar

Vietnam du Sud, 1968. L’ancienne ville impériale de Huê, après le bombardement de mai 1968. Marc Riboud