Un roman policier sans crime ni cadavre, quête des origines, méditation sur la possibilité de redemption.
Un milliardaire un peu mystérieux engage Alan Macklin, détective privé un peu médiocre, pour enquêter sur le passé d’une jeune femme, Sylvia, qu’il doit bientôt épouser.
Sylvia, s’avère être une gamine née dans la misère, dont la mère est décédée tôt, le père est maltraitant, violent, et qui fuit le foyer et mène une vie d’errance, de prostitution, déterminée à survivre, à trouver une place en haut de la société, ce qu’elle finit par arriver à faire grâce à des manœuvres de chantage vis à vis d’un client violent.
Alan Macklin, lui, enquête et reconstitue son passé à partir d’indices épars, minimes, et finit par tomber amoureux de son sujet.
En fait, plus le fantôme de cette femme inconnue – que cependant je connaissais mieux qu’aucune autre – plus ce fantôme prenait consistance, plus je me sentais forcé de poursuivre. L’acte de découvrir comme celui de créer peut avoir une répercussion profonde sur un être humain ; or, je n’avais, de toute ma vie, jamais rien découvert, ni rien créé. Toute ma vitalité, je l’avais utilisé d’abord à satisfaire mes besoins vitaux et ensuite à panser mes blessures. Mais comme tant de gens trop ordinaires, ce n’est qu’à travers un autre être que j’ai pu prendre conscience de cette solutide ; et je commençais à en être effrayé.
Pour exprimer les choses plus simplement, je n’avais jamais eu à connaître, ni à comprendre un autre être ; maintenant mon existence entière en dépendait.
Bien qu’il lui ait été formellement interdit de lui parler directement dans le cadre de son enquête, il la finit par la rencontrer et semble alors pris au piège : il sait ce qu’elle cherche absolument à cacher au monde, et il ne peut pas lui avouer qu’il le sait, sauf à briser le lien qu’il souhaite créer et l’amour qu’il espère faire naître.
Je n’étais qu’un hypocrite.
Je gagnais ma vie tantôt comme une putain, tantôt comme un maquereau.
La seule chose qui me différentiait d’eux, c’est que la société ne me désavouait pas et qu’à la télévision, je pouvais avoir de soi-disants aperçus de mon métier, grâce aux évolutions d’une demi-douzaine d’imbéciles et de crétins jacasseurs et grossiers, qui ont fait du “privé” l’un des éléments du folklore américain.
La grande question ouverte dans le livre est celle de la rédemption : Peut-on sortir vierge de la prostitution ? ne plus être pute lorsqu’on l’a été ? Ne plus être considéré comme une pute ? Changer son propre regard et surtout celui des autres pour devenir enfin soi même, y compris en embrassant tout ce qu’on a été ? La réponse apparaît comme négative, même si l’épilogue laisse une lueur d’espoir, de pureté au milieu du vice, au prix d’une forme d’incertitude et de fragilité.
Je savais cependant que les hommes vivent heureux dans le mensonge et haïssent la vérité ; et que le mensonge le plus vénéré est celui de la version biblique du vice et de la vertu. Les lois stupides qui règlent notre existence sont tempérées par une sorte de justice sardonique ; et ce fut en vertu de cet étrange équilibre que Sylvia fit voeu de chasteté. Elle était là, grande, belle et sereine ; et autour d’elle les machines à sous cliquetaient, les vieux films érotiques se déroulaient dans les lanternes magiques ; les cabines de photos s’allumaient par intermittence et les boules de billards se heurtaient.
Polly Adler, qui a dirigé une maison close durant la prohibition, auteure du livre “A House Is Not a Home” - qui a possiblement inspiré le personnage de Molly Banter