Staline dans Tout Passe

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Contrairement à Pour une juste cause, la figure de Staline est très présente dans tout passe, avant dernier récit de Vassili Grossman. Il y est tour à tour montré comme cruel, pervers, menteur, manipulateur, véritable incarnation de l’Etat totalitaire soviétique.

Le moment le plus spectaculaire du récit concerne la mort de Staline, et la sidération du peuple Russe qui s’ensuit.

Et soudain, le 5 mars 1953, Staline mourut. La mort de Staline fit littéralement irruption dans le système gigantesque de l’enthousiasme mécanisé, de la colère populaire et de l’amour populaire décrétés par le comité de district du Parti. Staline mourut sans qu’aucun plan l’eût prévu, sans instruction des organes directeurs. Staline mourut sans ordre personnel du camarade Staline. Cette liberté, cette fantaisie capricieuse de la mort contenait une sorte de dynamite qui contredisait l’essence la plus secrète de l’Etat. Le trouble s’empara des esprits et des coeurs.
Staline est mort ! Les uns eurent le sentiment d’un malheur. Dans certaines écoles, les maîtres forcèrent leurs élèves à se mettre à genous, puis s’agenouillant à leur tour et fondant en larmes, ils leur donnèrent lecture du communiqué officiel qui annonçait la mort du guide. Aux réunions qui se tinrent dans les établissements publics et dans les usines pour marquer le deuil, un grand nombre de gens furent pris d’une sorte d’hystérie. Des femmes criaient comme des démentes, éclataient en sanglots, certaines s’évanouissaient. Il était mort le grand dieu, idole du XXe siècle, et les femmes de pleurer…
D’autres eurent le sentiment d’un bonheur. La campagne qui dépérissait sous la poigne de Staline, poussa un soupir de soulagemeent.
Les millions d’hommes qui peuplaient les camps furent en liesse.
… Des colonnes de détenus se rendaient à le travail dans les ténèbres du petit matin. Le rugissement de l’océan couvrait l’aboiement des chiens policiers et soudain, comme si se levait l’aurore boréale, une clameur jaillit dans les rangs : “Staline est mort !” Les dizaines de milliers d’hommes sous escorte se transmettaient la nouvelle à voix passe : “il a crevé… crevé !”

Église de l’icône de Kazan à Kourba.

Église de l’icône de Kazan à Kourba. source