Sarah Jane - James Sallis
Sarah James raconte l’histoire d’une jeune femme en errance, incertaine, assez insaisissable, Sarah James, semble survivre au milieu des - nombreux - morts qui jalonnent sa vie.
Le coeur de ce livre est l’exploration de l’étrangeté, la sienne et celle d’autrui : autant que le lecteur, Sarah James peine à saisir les contours des personnages qu’elle rencontre, laissant planer en permanence une sensation d’incertitude, sur les intentions, les actes ; et également une sensation de précarité - on meurt souvent, parfois de façon violente. Ou on disparaît. Ou on fuît sans laisser de nouvelles.
Comment était-il possible que l’homme avec qui nous partagions nos journées et celui qui vivait dans cette pièce soient la même personne ? Et, maintenant qu’ils avaient disparu tous les deux, où étaient-ils ? J’avais moi-même passé du temps à raser les murs, à éviter de m’encombrer inutilement. A m’éclipser, à rester en mouvement. Vie privée, vie publique. On a tous l’une et l’autre. Tant qu’on ne l’examine pas à la loupe, une existence peut sembler sans intérêt, à peine digne d’être vécue, mais si on y regarde de près - et c’est vrai pour chacune d’entre elles -, on n’a pas fini d’être surpris, déconcerté, troublé. Ce qui ne m’empêche pas, en ce moment même, de tout coucher par écrit, comme je l’avais fait dans ce cahier à spirale quand j’avais sept ans.
Sans être réellement tourné autour d’un crime - même si le crime est bien présent - le roman est un véritable roman noir, reprenant un certain nombre d’archétypes du genre :
Tous les flics de la télé avaient des vies tristes. Des cicatrices profondes. Des blessures. De sombres non-dits rôdaient en coulisse ; des flash-backs s’inséraient entre les plans, légèrement flous ou en noir et blanc - soit le même, soit des variations - encore et encore ; des bouches déversaient des confessions dans les cinq dernières minutes. Ces cicatrices et blessures étaient censées expliquer la vie des flics, justifier tout ce qu’ils faisaient, la moindre action, la moindre inaction. Pourquoi ils buvaient leur café du matin dans le bol ébréché d’un enfant, se taisaient lorsque quelqu’un utilisait le mot “bigorneau”, n’avaient jamais d’argent sur eux, possédaient six chemises et pantalons semblables.
Robert Guinan - Slow Night at the J.L.N tavern (détail)