Histoire intellectuelle d’une idée politique
Ce livre a pour ambition de retracer l’histoire intellectuelle du conservatisme, en visant à en dessiner les contours et les constances au fil du temps.
En effet, le conservatisme ne constitue n’est pas constitué autour d’un corpus définissant un univers philosophique, comme peut l’être le marxisme, par exemple, ou même le libéralisme ; et ce qu’on appelle “conservateur” peut varier au fil des âges, et des pays. Pour autant, l’analyse que propose JPV permet d’en dégager quelques élélements structurants, qui définissent une doctrine (au sens - reprendre la définition dans le livre), une forme de rapport au monde, voire, un style.
La dogmatique (ou doctrine) conservatrice, lorsque l’on tente d’en prendre une vue synthétique, peut-être organisée et appréhendée au travers sept thèmes principaux. Ce sont :
- Autorité et pouvoir ;
- Liberté et égalité ;
- Individus et bien commun ;
- Histoire et tradition ;
- Préjugé et raison ;
- Religion et morale ;
- Propriété et vie en société.
Ces différents thèmes s’articulent autour de concepts qui peuvent sembler en tension les un avec les autres, l’objet de la posture conservatrice va être de tâcher de les définir et les articuler pour en former une doctrine qui possède une forme de cohérence et de capacité à agir sur le monde.
Ce dernier point est important : le conservatisme n’est pas un immobilisme, ni une réaction : si le respect des traditions est essentiel, il faut néanmoins être en mesure de les adapter et les faire évoluer pour faire face aux situations nouvelles qui se présentent. Il s’agit plutôt d’une manière d’envisager le monde qui va guider l’action et la réforme - qui peut-être nécessaire - mais nécessite une forme de prudence, en s’appuyant sur ses traditions, son histoire, son attachement religieux, le respect des libertés, des propriétés et des autorités et en s’inquiétant a priori des potentiels effets néfastes de la réforme et en se défiant de la violence.
Le rapport à l’autorité du conservateur est central : l’autorité ne se confond pas avec le pouvoir, mais s’oppose à celui-ci. Si on se soumet à une autorité, on le fait volontairement, parce qu’on la reconnaît comme légitime. Il en va par exemple de l’autorité que l’on reconnaît envers une figure universitaire, ou envers un élu du suffrage universel : on reconnaît sont autorité qui lui est conféré par son élection (ce qui ne veut pas dire que l’on approuve tous ses choix politiques), on reconnaît l’autorité d’un savant parce que l’on reconnaît la valeur de ses travaux, et que l’on donne – volontairement, donc, ce n’est pas un acte imposé – un poids particulier à ses publications, dans un domaine particulier.
L’autorité est décentralisée et multiple. Différentes personnes ou institutions peuvent être porteuses d’autorité, mais dans leur domaine particulier, en cela le pouvoir est différent, puisqu’il s’impose par la force et tend à centraliser et égaliser. Le respect de l’autorité est à la fois un acte de liberté et une reconnaissance de l’inégalité.
Tout ceci se traduit par une très grande méfiance envers certaines tendances (souvent progressistes) : la recherche d’égalité - qui par moment sature quelque peu nos discours publics - est souvent un simple cache sexe de passions tristes telles que l’envie ou la jalousie (et se traduit, non pas par une recherche d’amélioration du sort des plus mal lotis, mais par une recherche de la destruction du bénéfice dont peuvent jouir quelques-uns - potentiellement très nombreux). Une très grande méfiance, également, envers la pulsion révolutionnaire qui se traduit par une tentation de la tabula rasa, destructeur à la fois de l’histoire et de la tradition.