Précis de culture biblique - Olivier Millet & Philippe de Robert
Je ne vais pas ici faire un résumé du livre, qui peut s’appréhender comme un manuel de culture générale autour de la Bible, dans lequel il peut être opportun de venir piocher au gré des interrogations ou des besoins d’approfondissement d’un point particulier. Le livre est composé de plusieurs parties thématiques : une première partie centrée sur l’histoire de la Bible (histoire du peuple juif, fabrication de l’ancien testament, arrivée des chrétiens, ancrage de la chrétienté dans la culture juive ; arrivée de l’islam, l’histoire de ses traductions et de sa diffusion), la description des cultures religieuses qui se sont bâties autour du Livre (juives, chrétiennes) et enfin - de façon inévitablement parcellaire, le lien entre la Bible et les arts (littérature, peinture…)
Un élément toujours frappant et un peu mystérieux et le grand retournement apporté par la réforme, qui change fondamentalement le rapport au monde - en retirant la médiation de l’institution qu’est l’église dans le rapport au texte, et change en quelque sorte le statut du texte lui même, en favorisant une plus large diffusion via des traductions vernaculaires. Il y a le passage d’un rapport mystérieux, lointain, filtré par une autorité “supérieure”, à un rapport plus direct, individuel, personnel.
La principale caractéristique du protestantisme comme confession chrétienne est de valoriser les Ecritures saintes en faisant d’elles la source par excellence, voir l’origine unique, de toute valeur, aussi bien sur le plan théologique que moral et culturel, collectif qu’individuel. Là où le catholicisme valorise l’institution ecclésiastique, sa tradition, sa hiérarchie, le protestantisme souligne, à l’exclusion de tout autre principe, la Bible comme expression ou contenant de la Parole de Dieu.
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Cette dimension individuelle de l’appropriation du message biblique comme tel est une caractéristique de la culture protestante, même en dehors du mouvement ou de l’influence piétiste ou “évangélique”. La raillant pour ses effets jugés négatifs, un satiriste comme le poète Boileau a pu écrire à son sujet *Tout protestant fut pape une bible à la main (Satire XII). Elle se traduit par l’importance symbolique attachée au livre même de la Bible. C’est ainsi que l’apprentissage scolaire de la lecture s’est souvent fait, dans les pays protestants, sur des textes bibliques. Ce phénomène est d’autant plus significatif quand un minimum d’enseignement primaire a été rendu obligatoire et universel, pour d’évidentes raisons religieuses : savoir lire, ce serait pouvoir lire la Bible. C’est le cas, encore exceptionnel au SVIe siècle, mais significatif, de Strasbourg, et de Genève (y compris dans le second cas pour les filles). Source de toute vérité, et texte par excellence offert idéalement à la lecture de tous, la Bible est aussi ce qui apprend à lire les autres textes, dans un processus d’alphabétisation qui privilégie symboliquement le possible écho intérieur du texte déchiffré par chacun par rapport à l’entendre collectif ou au voir extériorisé du culte catholique.
Le manuel est très appréciable par la façon dont il met en regard les différentes traditions liées au livre (juives, catholique, protestante), avec toutefois une absence de référence aux traditions orthodoxes ou encore musulmanes (même si le status de la bible dans la tradition musulmane le fait sortir de facto un peu du champs traité par ce manuel)
Mais là dessus se greffe le problème de la reconnaissance mutuelle des écritures. Le judaïsme, estimant qu’aucun élément nouveau n’est intervenu depuis la Bible hébraïque et son interprétation par les sages du Talmud, ne peut voir ni dans le Nouveau Testament ni dans le Coran des textes révélés. Le christianisme, qui voit en Jésus la plénitude de la révélation divine, devait prendre position au sujet de la bible juive : au prix d’une lutte contre certaines tendances voulant la rejeter au profit du Nouveau Testament (Marcion), il l’a reconnue comme document authentique de la révélation et donc parole de Dieu. Par contre,l ‘Islam, estimant que le Coran est l’authentique parole de Dieu et se suffit à lui-même, a refusé de reconnaître les écritures juives et chrétiennes, considérant qu’elles ont été manipulées par les hommes et donc que la Tora et l’Evangile primitifs ont été altérés (C’est en arabe le tahrif)
Préface de St Jérôme et commentaire sur Salomon, première page d’une Bible de Gutenberg source