Night train - Nick Tosches

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Night Train

A travers le portrait d’un boxeur, c’est celui d’une certaine Amérique dessinée par Nick Tosches..

Né sous l’ombre encore menaçante des plantations et de l’esclavage, dans un état où le Noir moyen de l’est de l’Arkansas est en pratique toujours esclave, et sa condition n’a fait qu’empirer pendant la Dépression. ; ses racines sont floues, incertaines, un peu insaisissables. Les endroits où Sonny Liston avait un passé, ou ceux où il prétendait avoir un passé, à l’époque où il en avait encore un, sont des villes fantômes

Sa date de naissance elle même est inconnue et varie au gré des interviews, sa famille semble être tout aussi mystérieuse, jusqu’au prénom de sa mère : “Peut-être bien qu’elle s’appelait Helen, poursuit Morledge, mais les Noirs du coin l’appelait Hela.” “Il avaient je ne sais plus combien d’enfants”, dit-il de Tobe et Big Hela. “Ils en avaient plusieurs dedans, plusieurs dehors”.“Plusieurs dedans, plusieurs dehors ? “Eh ben, selon le jargon utilisé dans les plantations du Sud à l’époque, si les enfants n’étaient pas de la même mère et du même père, ils étaient dehors, sinon, ils étaient dedans. C’est de l’argot. Vous autres pouvez pas comprendre, mais c’est ça que ça voulait dire”.

Il fuit les plantations, mais n’ayant connu que la violence, la seule chose que mon père m’ait jamais donnée, dira Sonny, ce sont des coups, il s’adonne aux larcins, à la crapulerie, aux vols violents, jusqu’à se faire attraper et terminer en prison. C’est ici qu’un prêtre lui apprendra la boxe, où il se révèle avoir des dons exceptionnels, lui offrant une porte de sortie de la misère.

Dès sa sortie, il devient boxeur, d’abord amateur, puis comme personne ne semble être en mesure de lui résister, il devient vite professionnel. Une possible libération de son esclavage ? Par vraiment, parce que si la boxe peut lui apporter la gloire, une grande aisance financière, son destin lui échappe toujours. Le monde de la boxe est noyauté par eux, ils, des ombres jamais nommées qui détiennent les contrats, tirent les ficelles, organisent les combats. *La clause non écrite, la clause méphistophélique, la seule clause vraiment importante, stipulait implicitement que Sonny appartenait à présent corps et âme à Frankie Carbo et Blinky Palermo. En ces temps-là, pour un boxeur, il n’existait pas de plus beau destin, car Carbo et son second Palermo incarnaient le destin ils étaient les maîtres de la destinée et décidaient du futur.

Sonny a fuit des maîtres tout puissants, pour se retrouver dans les mains d’autres maîtres tout aussi puissant. Jamais il ne semble réellement pouvoir avoir la main sur sa propre destinée, jusqu’au combat vraisemblablement truqué qui lancera la carrière de Cassius Clay et son fameux phantom punch, qui allongera Sonny. A moins que ce ne soit une blessure à l’épaule, ou alors, peut-être que ce fameux coup fantôme a réellement porté. Encore une fois, les clés de son destin sont marquées par la confusion, le doute. Peut-être un ordre venu d’eux qui voyaient en Clay leur prochaine machine à cash, un champion plus présentable, plus facile à rentabiliser.

L’amérique ne voulait pas d’un champion comme Liston. “Il est difficile de trouver un quelconque mérite à Liston”, écrivait Dan Parker dans son article du 13 février 1964. L’amérique se ralliait à l’avis de Parker, voyant en Liston “une créature sinistre, débordante de haine pour le monde entier”. Liston avait comparé la boxe à un western. “Il faut des bons et des méchants”. Les “méchants sont censés perdre. Je change la donne, avait-il dit, Je gagne”.

Même au sein de la communauté noire, dans un monde de la boxe où la question raciale est toujours sous-jacente - ne serait-ce que pour des questions sonnantes et trébuchantes, il n’existe rien de mieux pour les affaires qu’un combat entre un Noir et un Blanc. ; Sonny n’est pas bien vu. Il est méchant, illettré, frustre, c’est un mauvais porte drapeau dans la lutte pour les droits, pas le plus présentable. Au lendemain de sa victoire sur Floyd Patterson qui lui permis d’obtenir la ceinture James Baldwin déplora cet instant. Il avait quitté le stade avec tristesse, dit-il, pour “aller dans un bar pleurer la très probable mort de la boxe et boire un verre à la santé du bien-aimé Floyd.

Sonny s’est vraisemblablement allongé, et ce combat marquera également le début de sa chute. Il fera bien encore quelques combats un peu miteux, sans gloire, jusqu’à arrêter de boxer. Retour à la case départ : petite combines, violences, alcool, jusqu’à ce qu’il soit retrouvé mort chez lui, vraisemblablement plusieurs jours après son décès. Comme sa naissance, la date de son décès est marquée par l’incertitude.

Peut-être que la morale de ce destin est qu’on n’échappe jamais vraiment à sa condition d’esclave, ce que sous-entends Nick Tosches en plaçant le destin de Sonny sous le patronage d’Aristote : Il est donc évident qu’il y a par nature des gens qui sont les uns libres, les autres esclaves et que pour ceux-ci, la condition servile est à la fois avantageuse et juste.

un homme

le K.O de Muhammad Ali vs Sonny Liston