Le récit d’un séjour dont le personnage principal est la ville imaginaire de Bleston
Le narrateur, Jacques Revel, doit effectuer un stage d’un an dans la ville de Bleston. La ville apparaît comme étant très hostile, et il la prend en grippe, jusqu’à se transformer en haine. Au cours de son séjour, il entreprend un journal pour retracer les mois précédents de son séjour, en vue d’élucider un crime dont il pense être responsable. La narration se fait sur cette double temporalité, celle de l’écriture et celle du récit lui-même, de plus en plus entremellées.
Dès les premiers instants, cette ville m’était apparue hostile, désagréable, enlisante, mais c’est au cours de ces semaines routinières, quand j’ai peu à peu sneit sa lymphe passer dans mon sang, son emprise se resserrer, mon présent perdre son étrave, l’amnésie gagner, que sourdement s’est développé cette haine pasionnée à son égard, qui est en partie, je n’en puis douter, un effet de sa contamination, cette haine en quelque sorte personnelle, car si je sais bien que Bleston n’est pas seule de son espèce, si je sais bien que Manchester ou Leeds, Newcastle ou Sheffeld, Liverpool qui possiède aussi, paraît-il, une cathédrale récente non sans intérêt, ou encore, sans doute, ces villes américaines, Pittsburg ou Détroit, auraient eu sur moi une influence similaire, il me semble qu’elle, Bleston, pousse à l’extrême certaines particularités de ce genre d’agglomération, qu’elle est, de toutes, celle dont la sorcellerie est la plus rusée et la plus puissante.
Comme le narrateur semble perdu dans cette ville où le ne trouve pas ses marques, le récit lui-même se perd dans ses circonvolutions temporelles. L’auteur/narrateur vient et revient encore sur les mêmes événements, fixe les détails jusqu’à les recouvrir d’un voile d’étrangeté ; cette étrangeté devenant elle même un piège duquel il n’arrive pas à s’extraire, par l’attraction qu’elle exerce. La ville est hostile, mystérieuse, indéchiffrable malgré le plan qui est fourni lors des premières pages du livre. Elle semble être perpétuellement en voie d’autodestruction, en raison de nombreux incendies, inexpliqués, mais pourtant elle reste là, inamovible.
Pas plus qu’il n’arrive à raconter son histoire, mener son enquête, Jacques Revel semble échouer tout ce qu’il entreprend : se loger, se repérer, se lier, aimer, et il ne lui reste qu’un étrange ressassement qui se traduit dans la forme de son journal : écrire, revenir sur ses souvenir, les reprendre, les répéter jusqu’à trouver le bon terme, la bonne phrase, le bon angle… sauf qu’il n’y arrive pas. et qu’il n’arrive à s’échapper qu’en fuyant, ne laissant derrière lui que des souvenirs, des questions ouvertes et, vraisemblablement, des regrets.
Le grand smog de Londres - 1952