Le concept d’aliénation chez (le jeune) Marx

Raymond Aron ne fait pas de l’aliénation un élément central de la réflexion de Marx - même si ce concept a pu être largement commenté et utilisé ensuite. C’est un concept qui a été important dans sa jeunesse, mais qu’il a pu mettre au second rang, voire abandonner plus tardivement dans son oeuvre de maturité.

L’aliénation selon Marx repose sur l’idée de propriété privée, laquelle fonde le travail aliéné, qui est elle même la mère de toutes les aliénations. Ainsi, la suppression de la propriété privée permet d’éliminer le côté aliénant du travail, en lui permettant de conserver toutes les richesses acquises : le travail - dans le monde industriel et de la propriété privé, est producteur de marchandises, ces objets deviennent étranger au travailleur : au lieu d’être l’expression libre de l’essence humaine, n’est plus qu’un moyen pour se procurer les moyens de subsistance. Ce qui aboutit à ce que le travail qui devrait permettre à l’homme de se réaliser lui-même n’est plus qu’un moyen en vue de l’existence empirique ou quasi animale, d’où il résulte une déshumanisation de l’homme. Enfin, l’aliénation de l’homme dans le travail ou l’aliénation du travail a pour conséquence une rupture des relations ou des communications directes entre les hommes par le fait que s’interpose entre les hommes un monde d’objets étrangers. (RA)

Pour se libérer du travail, il convient de l’abolir, ou en tout cas d’abolir sa dimension aliénante. Abolir totalement le travail semble difficilement concevable (même s’il est possible de travailler moins, à travers l’augmentation de la productivité), mais il peut être envisageable d’abolir le travail salarié, le fait de ne plus travailler pour un autre. Dans ce cas, si le travailleur continue à travailler, il n’est plus salarié, il devient l’agent d’une force collective - l’Etat - et reçoit une contrepartie, qui n’est alors plus du salaire.

Enfin, il est également possible de ne plus travailler pour produire de marchandise (ce qui passe par l’abolition d’un marché libre de marchandises, et son remplacement par un système de planification).

Une quatrième signification de la reprise des aliénations ou de leur suppression consisterait à surmonter la division du travail. Marx insiste beaucoup, dans le Manuscrit et également dans L’Idéologie allemande, sur l’appauvrissement de l’individu, sur l’amputation en chacun d’une partie de ses capacités par le fait que chacun se trouve enfermé dans une activité parcellaire, qu’il n’a pas choisie librement, mais qui lui est pour ainsi dire dictée par le mécanisme ou le déterminisme social dans lequel il se trouve en naissant. Dans cette perspective, la suppression de l’aliénation revient à la suppression de la division du travail. Suppression dont on trouve une expression assez grossière dans un passage de L’Idéologie allemande, dans lequel Marx explique que, dans le système capitaliste d’aujourd’hui, on fait la même chose toute la journée, tandis que dans le système du communisme on pourrait concevoir que le matin on pêche, que l’après-midi on chasse, qu’ensuite on se livre à une autre activité, etc. C’est-à-dire un système où chacun trouverait la possibilité de se livrer à une pluralité d’activités productives. (RA)

La 2,333e Dimension & Le Processus

La 2,333e Dimension & Le Processus par Marc-Antoine Mathieu