La Famille - Naomi Krupitsky

· 432 mots · Temps de lecture 3min

La famille

Roman assez réussi qui explore avec un angle inhabituel les relations entre mafia et vie familiale.

On y retrouve les thématiques et les tensions propres à ce livre de genre à travers le portrait croisé de deux femmes, de leur enfance à leur vies d’adultes, portées sur un ton presque intimiste : la violence, le secret, la trahison, la famille et le clan, avec en toile de fond les soubresauts de la grande histoire.

Saul passe les premières semaines glaciales de 1941 à avancer face au vent pour se rendre au delicatessen pour pour rentrer chez lui à l’aube ; vent qui parvient à s’engouffrer en hurlant dans toutes les rues qu’il emprunte. Des bribes d’informations venues d’Europe commencent à filtrer à travers le maigre réseau de Saul. Les histoires, fragmentées, sont devinées en tenant des lettres en loques devant la lumière, et chuchotées si bas par la bouche de réfugiés qui ont encore le mal de mer qu’elles ressemblent à des prières. Saul n’arrive pas à dormir tant il est inquiet. A l’heure la plus sombre de la nuit, il imagine sa mère dans le rôle principal de chaque information qu’il a entendue. Tous les habitants d’un village obligés de creuser leur tombe avant d’être alignés au bord de la terre fraîche et fusillés. Des enfants malades, suant ensemble dans des camps de travail. Le typhus et la grippe se propageant comme du feu dans une meule de foin dans des ghettos juifs de plus en plus étriqués. Des hommes debout tout nus dans la neige jusqu’à ce que leurs tremblements ralentissent et que leurs yeux s’adoucissent ; leurs dents en or récoltées pour en faire des manteaux de cheminée et des rebords de fenêtre. Des trains fendants la chair en lambeaux de la Pologne, de l’Autriche, de la Hongris. Il est inconcevable d’être en vie, de dormir dans les draps, de fermer derrière lui la porte de sa chambre chaque matin, de boire du café au soleil. Saul ne sait pas s’il préférerait être là-bas. Les rumeurs infiltrées sont il se nourrit ont quelque chose d’atroce, alors le simple fait d’imaginer sa mère en vie quelque part – n’importe où – le réconforte. Lorsqu’il dort, sa bouche forme parfois les paroles de la bénédiction du vendredi. Baruch atah Adonai, chuchote-t-il. Béni soi-Tu. Lorsqu’il est réveillé, il ne parle pas à Dieu, pas plus qu’il ne peut concilier l’idée de Dieu et le mal qui tourmente d’lEurope. Dieu n’est pas si simple, dirait sa mère. Mais sa mère n’est pas là pour le dire.

La famille

Quartier de Red Hook (Brooklyn), circa 1930