L'énigme Algérienne - Xavier Driencourt

· 720 mots · Temps de lecture 4min

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L’énigme Algérienne - Xavier Driencourt.

Dans ce petit ouvrage, l’auteur retrace son parcours comme ambassadeur à Alger entre 2008 et 2012, puis 2017 et 2020.

L’intérêt du livre est de mettre en lumière les visions - et les incompréhensions - croisées que les deux pays ont l’un de l’autre, parfois teintée de cynisme, parfois d’une forme de naïveté. Les deux pays partagent une histoire commune, violente et tragique, ce passé partagé se matérialise par la forte part de la population française qui possède des liens avec l’Algérie qui font que les relations entre les deux pays sont aussi des affaires de politique intérieure pour chacun d’entre eux.

Côté algérien, la France est l’objet d’une forme d’attraction/répulsion souvent instrumentalisée par un pouvoir (le “système”) qui dispose là un levier facile à manipuler pour créer de l’unité autour de lui : on aime détester la France, s’en démarquer, la dénoncer, tout en recherchant activement visas, écoles, accès au soin que le Pays peut offrir.

“Non, Excellence, je ne suis pas Français, j’ai seulement les papiers” ! Cet aveu ne témoignait visiblement pas d’un amour pour la France, d’un respect de sa culture et de son histoire, d’une adhésion aux valeurs qu’elle portait, mais plutôt d’une conscience bien comprise que les avantages que la possession de “papiers français”, et donc d’un passeport, offraient pour franchir les frontières plus facilement, sans entraves et à tout moment.

Côté français, la vision de l’Algérie est teintée d’une forme de naïveté, de culpabilité un peu sourde, qui empêche de construire une relation similaire à celle que nous pouvons avoir avec d’autres pays, et empêche même de “profiter” de cette situation et cette histoire particulière pour consolider notre sphère d’influence - que ce soit au plan culturel - le français comme langue et univers culturel est repoussé par le pouvoir Algérien, ou encore sur un plan économique : la France est régulièrement écartée des grands chantiers au profit de la Chine et de la Russie.

Dans les deux cas, ces souvenirs et ces remords conduisent à un certain aveuglement, lui-même générateur d’une certaine forme de surenchère : on souhaite se faire pardonner ses péchés anciens, et de ce fait, m’a-t-il semblé, on en rajoute dans la contrition et on peut-être tenté par une forme de repentance…
Ajoutez à cela la question de l’immigration qui est en fond de tableau et qui brouille davantage le regard porté sur Alger, ainsi que la sérénité et l’objectivité du jugement sur le pays… Tout est alors mélangé : terrorisme, colonisation et guerre d’Algérie, indépendance, immigration, islamisme. Personne, aucun politique, ne peut donc voir dans ce pays un partenaire politique ou diplomatique aussi simple, lisible et neutre, quasiment aseptisé, que pourraient l’être par exemple la Slovaquie, l’Australie ou l’Argentine.

L’auteur appelle à une clarification de relations franco-algériennes, clarification qui ne veut n’est pas nécessairement une forme de normalisation *quasiment aseptisée", mais qui demanderait une forme de réciprocité dans le partenariat entre les deux pays :

“Oui ou non, voulez-vous travailler avec nous ? Oui ou non, voulez-vous ce partenariat d’exception ? Si c’est le cas, c’est à vous et pas seulement à nous de donner de la substance et de la chair à ces termes. Nous avons, pour ce qui nous concerne, beaucoup progressé au cours des deux derniers quinquennats sur la question de la mémoire, nous pouvons sans doute encore aller plus loin, mais nous aussi, nous attendons un retour, car nous aussi, nous avons des intérêts à défendre, nous aussi, nous avons une opinion publique.”
A Alger, mis à part les cercles officiels, on comprendrait d’ailleurs facilement ce discours et on s’étonnerait même qu’il n’ait pas été prononcé plus tôt, car la règle d’or de la diplomatie est bien la réciprocité. Nous avons trop souvent tendu l’autre joue après avoir reçu une gifle. Certains en sous-main se réjouiraient d’entendre des paroles fermes et applaudiraient en voyant enfin la France ne pas se laisser intimider ou manipuler pour, au nom de la réciprocité et de la défense de ses intérêts, mettre tous les dossiers sur la table. Le reset ou la refondation de nos relations est sans doute à ce prix.

Mohamed Khadda, Les Casbah ne s’assiègent pas, 1961

“Mohamed Khadda, Les Casbah ne s’assiègent pas, 1961”

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