Second opus du cycle Némésis, Philip Roth propose ici une farce un peu grotesque et tragique sous la forme d’un roman d’initiation dans une Amérique des années 50, en pleine guerre de Corée.
Marcus Messner, fils d’un boucher casher de Newark, jeune homme honnête, travailleur, orgueilleux fuit sa famille - son père dont les tendances paranoïaques l’étouffent pour aller étudier dans l’Ohio, loin de ses racines familiales. S’il est travailleur, ambitieux, il ne trouve pas vraiment sa place au sein de ce campus, et au fil de décisions dont les conséquences lui échappent, il finit par être exclus de l’université, et doit se faire enrôler dans l’armée.
Tout ce que je savais sur le métier de juriste, c’est qu’il vous emmenait aussi loin que possible d’un monde professionnel où il fallait porter un tablier puant et taché de sans : du sang, de la graisse, des petits bouts d’entrailles – tout se retrouvait sur le tablier à force de s’essuyer les mains dessus. J’avais accepté de bon coeur de travailler pour mon père quand c’était ce qu’on attendait de moi, et j’avais docilement appris tout ce qu’il pouvait m’apprendre sur le métier de boucher. Mais il n’avait jamais pu m’apprendre à aimer le sang, ni même à avoir vis-à-vis de lui une attitude détachée.
Comme dans l’opus précédent, Roth s’attarde ici sur les motivations qui sous-tendent une décision, et déroule les conséquences imprévisibles (ou parfois, prévisibles, mais que le personnage souhaite par ignorance, cécité, ou orgueil, ignorer), jusqu’aux plus tragiques.
Réfugiée de guerre coréenne avec son bébé, 1951 - source : Archives nationales américaines