Recueil de nouvelles qui flirtent avec le fantastique, les nouvelles d’horreur (qui ne sont pas sans rappeler Stephen King, par moment), ou encore gothique.
L’univers dépeint est peuplé de fantômes, spectres, apparitions, disparitions, mutilations. Ce sont des corps jeunes - des jeunes filles, souvent - en rupture vis-à-vis du monde dans lequel elles vivent - parents ou voisins qu’elle méprisent, et dont elles cherchent à s’échapper, attirés ou guidés par des voix, des fantômes, des visions.
Les récits sont traversés par des hallucinations visuelles ou auditives - des coups frappés aux portes, pendant la nuit, à en faire trembler les murs - des personnes qui disparaissent, des corps qui réemergent, vivants, cadavres ou squelettes, sur un fond de pauvreté, de violence, de peur du quotidien et de l’avenir, de la mort qui rôde - celle des personnages ou celle d’inconnus. La mort est partout, jusque dans les murs et les fondations, cadavres cachés d’un régime policier passé - qui s’il n’existe plus aujourd’hui reste étrangement vivant dans les esprits.
Il semble en effet qu’au delà de leurs aspects fantastiques, les nouvelles sont traversées par des démons qui sont le fruit d’une mémoire de la dictature qui a des difficultés à trouver son chemin : c’est par ces insertions de fantastiques - matinée de culture folklorique locale - que celle-ci trouve son expression.
A Constitution se trouve la gare des trains en provenance du sur de la ville. Au XIXe siècle, c’était un quartier où résidait l’aristocratie de Buenos Aires. C’est pourquoi on y trouve ce genre de villas, comme celle de ma famille - il y en a beaucoup d’autres, reconverties en hôtels ou en maison de retraite, ou bien tombées en ruine, de l’autre côté de la gare à Barracas. En 1887, les familles aristocratiques décampèrent vers le nord de la ville pour fuir la fièvre jaune. Peu d’entre elles revinrent, pratiquement aucune à vrai dire. Et au fil des ans, des familles de riches commerçants, comme celle de mon grand-père, purent acheter ces demeures en pierre avec gargouilles et heurtoirs en bronze. Mais le quartier resta marqué par l’exil, l’abandon, le statut de mal aimé.
Et c’est de pire en pire.
“Sculptures de Gauchito Gil (à gauche) et de San La Muerte (à droite), deux Saints populaires en Argentine.” (source)