Carnaval - Ray Celestin - (2015).
Il existe différents types de romans policiers, des romans d’enquêtes, d’énigme, des thrillers, romans noirs, d’autres visent à restituer un lieu, une époque : c’est à cette dernière qu’appartient le présent roman, portrait de la ville de la nouvelle Orléans en 1919.
L’histoire est basée sur un certain nombre d’éléments authentiques, à commencer par la série de crimes qui donne le prétexte à l’enquête, la lettre du tueur et la nuit de festivité qu’il aura provoqué en raison de son ultimatum, mais aussi plusieurs personnages, à commencer par Louis Armstrong et quelques anecdotes le concernant, ou encore certaines figures de la pègre locale) On y retrouve ainsi quelques une de ses caractéristiques, son milieu du crime, la musique, la ségrégation, le climat et les éléments.
La musique, d’abord, est omniprésente et rythme aussi bien le roman que la ville elle même1
La musique du groupe de jazz se mélengeait aux chansonnettes des colporteurs et Ida se demanda s’il y avait d’autres villes où la musique était aussi omniprésente. Elle imprégnait les rues, proche et impétueuse, ou comme une nappe sonore assourdie et lointaine. Gumbo ya-ya, comme disent les créoles. Gumbo signifiant “mélange” et ya-ya “parler, ce qui voulait dire que tout le monde parlait en même temps.
La description de la pègre s’enracine dans un quartier précis de la Nouvelle Orléans, Storyville, créé en 1897, quartier dans lequel a été légalisée la prostitution à la suite d’une ordonnance rédigée par le conseiller municipal Alderman Sidney Story (qui aura donc, ironiquement, donné son nom au quartier) et qui concentrera la localisation des maisons closes de la ville. Une partie du succès du quartier viendra également de l’édition d’un guide recensant les prostituées présentes dans le quartier, indiquant leurs race, ainsi que les services proposés2. Outre la prostitution, le quartier devient également un lieu important de la vie nocturne - alcool et musique, et favorisera l’éclosion du jazz (dont Louis Armstrong). Le quartier est fermé en 1917, suite à l’entrée en guerre des Etats Unis, la prostitution étant jugée contraire aux besoins liés à l’effort de guerre.
Enfin, un dernier trait frappant du livre est l’omniprésence de la question raciale, teinté de la complexité de la ville : ville du sud des états unis, héritage de la présence française, créolisation probablement plus marquée que dans le reste du sud : la mémoire de l’esclavage est encore très présente et palpable, et la ségrégation y bat son plein. Un des enquêteurs est secrètement marié à une femme noire, ce qui le met en danger, au point de le forcer à quitter la ville pour leur sécurité.
L’histoire qui leur servait de couverture consistait à dire qu’ Annette était sa bonne. Il se prêtait à cette hypocrisie un peu lâche parce qu’elle le lui avait demandé. C’était le plus crédible de tous les mensonges qu’ils pouvaient inventer. Il avaient imaginé cette histoire dès le début de leur relation, quand Michael était rentré de l’hôpital où il avait été soigné de la variole. Annette était venur de s’occuper de lui. Cela avait bien fonctionné jusqu’à la naissance de leur fils, qui leur avait forcé la main. Il aurait suffit d’un flic mal disposé le regarde pour les faire condamner, mais ils avaient gardé leurs petits arrangements, ainsi qu’une chambre séparée, au cas où. Ils n’avaient pas de photographie de famille, ni de certificats de scolarité, ni le moindre élément qui atteste d’une vie de famille.
Il n’y avait pas de photographie de mariage à cacher. Quand Annette s’était rendu compte qu’elle était enceinte, ils avaient décidé d’aller à Kansas City ; c’était le plus proche endroit où la loi était en leur faveur. Ils avaient fait le long voyage à travers les plaines poussiéreuses du Midwest séparément, dans de voitures et sur des quais ségrégués, à manger seuls dans des zones cloisonnées des restaurants de gare.
liens :
- Storyville - Madams & music, une exposition au The Historic New Orleans Collection
- L’Homme à la Hache de la Nouvelle-Orléans
Points à approfondir (peut-être plus tard, probablement jamais, mais ce sont des sujets auquel je pense en écrivant la chronique) :
- L’histoire de la Nouvelle Orleans